Un jour, sur Terre...


  Prologue


Je marche sous la pluie. Des gouttelettes, par centaines, ruissèlent sur ma peau, dans mes cheveux, trempant le tissu de mes vêtements et m'imprégnant moi-même jusqu'aux os. Un pas devant l'autre, je marche, je marche. Inexorablement, mon rythme ralentit. Petit à petit. Je le sens. C'est comme si le battement de mon cœur s'était aligné sur celui de mes jambes. Je le sens qui ralentit, ralentit, imperceptiblement... Mais ai-je encore un cœur? Physiquement, oui, c'est certain. Pour le reste... je ne saurais le dire. Je ne pleure plus. Je ne crois pas. Mais de toutes façons, quelle différence? Comment savoir ce qu'est l'eau qui ruisselle dans mes yeux et sur mes joues, et d'où elle provient? Mes larmes... Est-ce donc que tout ce qui me restait m'a quitté?

Je n'ai plus rien.

J'avance sous la pluie. Fait-il froid? C'est possible, je ne sais pas. Ma douleur infinie a déferlé en vagues
destructrices sur moi, elle a obturé tous mes sens, tout ce qui pouvait palpiter et sentir la vie en moi. Puis, elle est repartie. D'un coup, sans prévenir. En emmenant tout avec elle, me laissant là, telle une enveloppe vide, avec pour compagnons d'horribles souvenirs qui ne sont même plus capables de me faire réagir. Mais qu'y puis-je? Ce qui est fait est fait. Il n'y a plus rien à dire. J'avance sous la pluie. Mais vers où? Vers quoi? Pour quoi faire? Je ne sais pas.

Je n'ai plus aucun but.

Même cette action des plus insignifiantes, qu'est marcher, pour moi, a perdu son sens. Mes pas se font de plus en plus lents, les mises en mouvement de chacune de mes jambes se font plus espacées. Un pas, deux pas. Trois. Je sens mon corps, qui, à la même allure, terrible et lente, s'affaisse en arrière. Mon talon frôle le sol, décolle, et part vers le ciel. Peut-être que
ce pied nu aurait aimé adresser un dernier salut aux étoiles? Il n'aura eu que l'occasion d'admirer un océan de noir et une myriade de petits points mouillés aux multiples reflets sombres. Est-ce la mort que je sens venir? Tout peut-il s'achever comme cela?

Je ne comprends pas.

Sur le dos, mes bras étendus de chaque côté, perpendiculairement à mon torse, paumes tournées vers le ciel, me donnent
sans doute l'allure d'accueillir quelqu'un. Mes deux yeux, grands ouverts, se laissent fouetter par la pluie sans esquisser le moindre mouvement. Étendue ainsi, de tout mon long, j'attends. Quoi? Je ne sais pas. Et tout d'un coup, la réponse arrive à moi, dans un flot insupportable de sensations, qui m'envahit, qui revient vers moi, plus puissant que jamais, renforcé par son absence, rempli de mille nuances destructrices, et d'une vague horrible de haine et de souffrance. Mon dieu... J'éprouve à nouveau... Mais n'aurait-il pas mieux valu...? Je ne suis pas morte... Dans ce flot terrible, une foule de souvenirs se presse devant mes yeux, que je ferme, horrifiée, mais ils reviennent, ils sont toujours là, même derrière les paupières. Non... Je ne veux pas, non...

Je ne veux pas me souvenir...





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